Poetry reading with Yen Ai-lin 顏艾琳
Friday 17 June 2022
5 PM
Forum de La Maison de Sciences de l’Homme
During this event, six poems by Yen Ai-lin were read and presented : Le bar de l’homme seul (一個人的酒館) ; Elle à Paris (她在巴黎) ; Moi, née à quarante ans (我,四十歲誕生) ; Au café avec Monsieur Zhou, sans un mot (與周公在咖啡店,無言) ; Parole de lotus (荷語) ; La mèr (雌性的大海).
Presentation :Yen Ai-lin (顏艾琳), a Taiwanese poet, was born in 1968 in Tainan. Her works are particularly distinguished by the search for an expression of female consciousness. She holds a degree in history from Fu-Jen Catholic University and completed the Master’s program in Creative Language and Writing at The National University of Education in Taipei.
Yen Ai-lin is associate editor of Récolte magazine and editor-in-chief of Lian-Jing magazine; she also directs the Renaissance Poem program at the Qi Dong Poetry Salon in Taipei. She has won numerous literary awards, including the Wu Cho-liu Prize for New Poetry. Some of her poems have been put to song, such as Super Vending Machine, which was adapted in 2015 by soul-pop singer Lo Sirong. Others have inspired theatre directors or contemporary dance choreographers.
With the participation of: Yen Ai-lin, Olivier Janin (reading in French), Tu Tsao-yin (translation)
This event is organized as part of the Spotlight Taiwan Program.
Le bar de l’homme seul
Yen Ai-lin
C’est le troisième jour du nouvel An lunaire.
Lui, il ne se laisse pas accrocher par la nouvelle lune
Solitude impossible à guérir.
Dans la nuit qui calme le flux du sang,
Au point d’ébullition, forte fièvre…
Son sang
En un instant, vire à l’alcool dur.
Traduction Olivier Janin / Samia Ferhat
一個人的酒館
顏艾琳
是初三。
他並不接受新月的勾引,
無法治療的寂寞,
在夜裡冷卻的血液中
沸騰,高燒……
他的血
一時都釀成了烈酒。
Elle à Paris
Yen Ai-lin
Une femme agite tout Le Printemps,
Déjà des soldes de 15% en mars ;
Des économies sur un café en terrasse
En toute discrétion elle fait tournoyer ses amours sans lendemain.
L’air se fait un peu frais,
Une boisson chaude et une étreinte conviendraient… tellement,
Mais personne ne la connaît.
Elle vient de Taïpei,
Son amour se trouve à Paris,
Et il n’y a même pas de soldes…
Traduction Olivier Janin
她在巴黎
顏艾琳
一個女人抬起整座春天百貨,
三月已經 85 折了;
省下一杯露天咖啡
她悄悄兌換無效的戀情。
空氣有點冷,
那麼適合熱飲和擁抱,
但沒有人認識她。
她來自台北,
她的愛情在巴黎,
也沒有 discount……
Moi, née à quarante ans
Yen Ai-lin
Tu as déjà entendu les ragots à ton sujet,
Bien sûr, tu te fous complètement de la différence entre
l’amour et les rumeurs
C’est juste changer de partenaires masculins.
Sur le champ de bataille du mariage de tes parents,
Tu as appris à te sacrifier en souffrant en silence,
Tout en donnant la leçon aux hommes qui te courent
après,
À endurer les excès de tous ces jeux insensés.
Tu as blessé tous ces amants du sexe opposé,
Tu méprises les amours frivoles des filles de ton âge,
Tu es cet ange sans sexe
« Le désir » est réduit au mot « gémissement »,
« L’extase » du corps comme une explosion de couleurs,
Jeune, perdue, tes yeux comme des phares
Sur l’objectif, seule, à t’entraîner au marathon
Tu maudis la coureuse qui tôt s’est fait un nom et qui
s’appelle Ai-Lin.
Tu gagnes presque toutes les courses, mais tu perds tes
amitiés,
La médaille que tu remportes est l’or de la solitude,
Multiples médailles d’argent sans éclat, médailles de
bronze sans valeur,
Toi, poussée à troquer ton bonheur pour de la douleur
Tu t’enfermes dans la latitude des zones interdites.
La caverne du refuge pour toi c’est l’ordinaire.
Lieu auquel les autres ont si facilement accès,
Tu dois creuser de tes propres mains,
Pour creuser la cache où t’enterrer ;
Prendre les os inscrits, la chair colorée,
Comme les vœux pieux de ces vieux moines
Tondre le visible du corps,
Revenir au tout premier jour, sans vie.
Mais on se moque encore de toi, juste
À cause des tragédies que tu as vécues trop tôt ;
Tragédies, ces couronnes d’épines du poète,
Sur ta tête la couronne impériale et son mince filet de
lumière,
Une dignité incomparablement hideuse, pourtant
Vue comme une princesse.
Tu transformes tes pleurs, tes douleurs en vaines
plaisanteries, néanmoins appréciées :
Actrice nominée de tes propres films pour adultes.
Après tout cela, tu sembles avoir grandi.
Les expériences vécues très tôt qui t’ont fait mûrir très
tard,
Tu as compris le mystère que ta vie.
À ce moment-là, le monde
S’est mis à te parler d’autres choses,
Ce n’est plus le poème, ce n’est plus l’art,
Ce n’est plus l’amour, ce n’est plus tout le reste en lien
Avec le mystère de la beauté ou du bonheur,
Maintenant tu entends clairement
La parole du ciel et de la terre :
« Mon enfant, il ne reste plus que tes bras et tes jambes
Recouvre-toi, couche après couche,
Du drap mortuaire de tes douleurs passées
Et entre dans la tombe la nuit de tes quarante ans.
Le jour de ta naissance sera celui où tu mourras une
nouvelle fois.
Du néant je te redonnerai la vie. »
Mon corps se lève de mon lit,
Mes deux mains, mes deux pieds sont bien là, je les vois.
Palper le cœur : oui, tu es vraiment déjà morte,
Quarante ans, ça suffit bien. Repartir à zéro.
Traduction Olivier Janin / Samia Ferhat
我,四十歲誕生
顏艾琳
你曾耳聞自己的流言,
當然,你並不在乎愛情和緋聞的差別
這只是男主角不同而已。
你在父母的婚姻戰場上,
學會隱忍的犧牲,
卻教導追求你的男生們,
忍受一切無理的戲謔。
你傷了愛你的所有異性、
也不屑同儕少女對愛的膚淺,
你是無性的天使。
「有慾」以文字變成了呻吟、
「有迷」在色彩展開的肉體裡,
渾噩的年輕日子,你雙眼放光
照見目的,一個人跑馬拉松鍛鍊腳程
恨那個早早成名的跑者也叫 Ai-Lin。
你跑贏大部分的比賽,卻輸掉友誼
那得來的獎牌是孤獨的金牌、
森冷的銀牌、無用的銅牌,
壓得你將歡樂兌成痛苦
自囚在高緯度的禁地。
平凡才是你遁逃的洞穴。
別人那麼容易得來的藏身之所,
你得用雙手挖出來,
挖出一個可以埋身的墓;
把文字的骨頭、色彩的血肉,
像苦僧還願那樣
從自己身上剃淨「有形」,
歸於最初的「無生」。
但別人仍舊諷刺你,只因
你經歷許多太早發生的悲劇;
而悲劇是詩人的荊棘冠冕,
你戴著微微發出光芒的皇冠,
醜陋得無比尊嚴,卻
被他人慎重地視之為公主
你把自己的哭與傷痛
轉述成不干己事的笑話,並博得好評:
「輔導級」女優、自導自演的最佳人選。
經過這些,你似乎成長了。
原來早熟就是晚熟,
你領悟到人生給你的謎團。
那一刻,世界
開始跟你談不同的話題,
不再是詩、不再是藝術、
不再是愛、不再是其他有關
美麗或者幸福的奧秘,
你清楚聆聽:
整個天空跟大地都開口
說,「孩子,你將只剩自己的手腳,
把過去用痛苦織就的裹屍布
層層包覆,葬於四十歲生日的午夜吧!
你那時出生,就那時死去一次。
我允你在空無中再誕生。」
我自床上爬身而起,
看見兩手兩腳俱在。
摸了一下心臟,原來你已真的死去,
而我,四十歲足矣。歸零。
Au café avec Monsieur Zhou, sans un mot
Yen Ai-lin
Boulevard Chongqing sud. Premier étage. Une enseigne bien
connue.
Le tapis se colle à chaque pas,
Le temps avance, chancelant.
Le vieux poète a 79 ans,
Face à moi et mes 31 ans,
Au milieu de la conversation, soudain
Plus un mot à se dire.
C’est parce que nous avons 110 ans de soucis,
Et une page blanche devant nous.
Dans la fossette de ses yeux une île émerge,
J’entrevois ma mer de larmes,
Au cœur de l’île,
Ondule
Un nuage
Traduction Olivier Janin
與周公在咖啡店,無言
顏艾琳
重慶南路。二樓。老字號。
地毯黏住每個人的腳步,
時光在這裡蹣跚而行。
老詩人七十九歲,
面對我三十一歲,
言談進行一半,忽然
再也說不出話了。
因為我們有一一0歲的心事,
與歸零的人生體悟。
他的眼眶浮起一座島;
我看見自己的淚海
在島的中心,
漾起
一片雲
Parole de lotus
Yen Ai-lin
Octobre,
L’été se retourne, esquisse d’un sourire
Comme toujours l’eau brille de tous ses éclats,
De l’étendue une lueur dorée s’élève.
Mais le lotus soupire,
Il dit, il se fait vraiment tard
Il ne reste maintenant qu’une tige toute mince,
Onduleuse comme l’écriture Chuan
Petit à petit se fait sentir
L’humeur de l’automne.
Traduction Olivier Janin
荷語
顏艾琳
十月,
夏天回眸一笑
水面仍舊燦燦,
養著一池一缸的金黃光影。
但荷花卻嘆著氣,
說,晚了晚了
如今只剩細細的荷桿,
以篆體書寫
逐漸浮現的
秋意。
La mèr
Yen Ai-lin
Côte sans falaise,
Flux et reflux des vagues
Passage au bouddhisme,
Aucune notion du temps
Rien que l’arrière-goût de la terre.
Un jour comme un autre
Aucune limite
Et la voilà, il lui suffit d’un coup d’œil
Pour qu’elle embrase tout.
Elle se tient debout au bord de la mer telle une
falaise vertigineuse
Les eaux paisibles commencent à se déchaîner
De la pupille de ses yeux se révèle, translucide, le
point final
。
Chute
。
。
Le soleil caché dans la mer
。
。
。
Englouti par cette larme
。
。 。
。 。 。
。 。 。
En ébullition
Traduction Olivier Janin
雌性的大海
顏艾琳
海岸原來無崖,
波浪亦來來去去
皈依佛性,
甚無時間感
只一意慢慢咀嚼土地的味道。
平凡一刻
無邊無際
而她來,用一雙眼睛
收攏這一切。
她在海邊站成一座危崖
平靜的海水開始猙獰。
從她瞳孔掉岀一個透明的句點
。
落下
。
。
已躲在海裡的太陽
。
。
。
都被這滴眼淚
。
。 。
。 。 。
。 。 。
沸騰了