Souvenirs d'Ayuan

阿远的故事

À travers les souvenirs de la famille d’Ayuan, c’est l’histoire contemporaine de la Chine qui se dessine.

- Illustrations : L. H. -

L’exode de grand-mère

« Petite, ma grand-mère maternelle a fui vers le nord avec ses parents pour éviter la famine. Ils ont traversé la passe de Shanhai et sont allés s’installer à Dandong.

Pendant la « Guerre de résistance aux États-Unis et de soutien à la Corée », toute la famille a dû suivre les déplacements de l’usine dans laquelle travaillait mon grand-père. Ils ont fini par s’établir à Jiamusi.

L’hiver y était glacial, la température pouvait descendre jusqu’à moins 30°C. Dès la descente du train, ma grand-mère a couru acheter des chaussures et des bonnets matelassés pour ses enfants.

Lorsqu’il travaillait à Dandong, mon grand-père a vu des pilotes américains sauter en parachute. »

« Petit, mon père vivait dans une zone rurale du Hubei ; il m’a raconté avoir été maltraité par les enfants du propriétaire terrien. En ce temps-là, la Chine n’avait pas encore été libérée.

Après la victoire des révolutionnaires, mon grand-père paternel est venu le chercher pour l’emmener vivre dans les montagnes du Nord-Est.

À l’époque, mon grand-père était gardien dans un camp de prisonniers : il surveillait des officiers du Kuomintang.

Mon père avait une santé fragile, mais grâce aux herbes médicinales trouvées dans les montagnes, il s’est progressivement rétabli. »

Souvenirs de la « Vieille Chine »
La vie dans le Nord-Est

Une petite altercation avec un Taïwanais

« Un jour, alors que j’étais dans la laverie en bas de mon immeuble, j’ai eu une discussion avec un Taïwanais. Nous avons parlé de politique, et nous nous sommes accrochés sur le fait de savoir lequel de nos deux gouvernements était le plus corrompu.

Cet homme avait une trentaine d’années. Il ne parlait que des points négatifs de la société chinoise. Je lui ai dit qu’il y avait aussi certainement beaucoup de problèmes à Taïwan ; mais il refusait de l’admettre.

Alors il m’a parlé d’un de ses amis qui avait investi sur le continent. Il m’a dit qu’il n’avait pas réussi à tisser de relations, et que son affaire n’avait jamais décollé. Il pensait qu’il s’était fait piéger par les Chinois et que les instances politiques locales étaient complètement perverties.

Je me suis dit qu’il avait une vision partielle de la Chine. Il y a tellement d’entrepreneurs taïwanais sur le continent ; ont-ils vraiment tous été escroqués ? »

« Je ne sais pas du tout comment mes parents ont vécu le « Grand Bond en Avant ».

Ils étaient encore adolescents pendant la Grande famine : il n’y avait pas d’huile, pas de céréales, pas de viande. Les gens devaient aller jusque dans les montagnes chercher des herbes sauvages pour se nourrir.

Ma grand-mère a maintenant plus de 90 ans. Elle retourne souvent dans la montagne cueillir ces herbes sauvages ; c’est sa façon à elle de se remémorer le passé. Elle les cuisine comme à l’époque et nous les mangeons tous ensemble. »

L’ancienne génération et les souvenirs d’antan

Éducation patriotique

« Enfants, nous devions suivre une formation militaire.

On nous faisait regarder des films et des spectacles patriotiques.

Nous écoutions aussi les récits des héros nationaux : les héros de guerre, c’est-à-dire les anciens combattants de l’Armée rouge, les cadres vétérans ou les soldats qui avaient participé à la guerre du Viêt Nam.

À l’époque, on valorisait beaucoup le sens de l’effort, de la sobriété, de la persévérance et de la frugalité ; on insistait aussi sur l’hygiène et la propreté. »